mercredi 18 juillet 2007

Lettre ouverte à Laurence (Searching For a Better World...)

Bonjour Laurence,

Je trouve l’objet de votre blog magnifique... parce que simplissime. "Pour un monde meilleur" Effectivement, ce devrait être, là, l'unique pensée de tout le monde. A commencer par nos dirigeants.

Hélas, à cette unique pensée, ils préfèrent le plus souvent, la pensée unique....

Même si je n'ai pas pensé à formuler ma quête en ces termes, ceux de la recherche d’un monde meilleur, c'est pourtant bien de ça dont il s'agit en final.

Et, évidemment, ce n'est pas simple.

Ce n'est pas simple parce que ce qui fonde nos raisonnements est bouleversé par les changements technologiques. En particulier, le numérique et sa dématérialisation bousculent et l'écrit et l'oralité, nos principaux moyens de pensée depuis que l'Homme est sur terre. Et donc, indirectement, ce sont nos modes de pensée, à nous cette fois, qui en sont affectés et donc, les façons que chacun et que chaque collectivité a de se représenter le monde.

Cela étant et en l'état, ces nouvelles technologies augmentent encore la coupure entre l'homme et la nature commencée avec l'écrit. La perception pertinente du monde s'en trouve de plus en plus difficile à saisir tant l'accès à ses réalités passe de plus en plus par des médias. Notre perception du monde réel dans toutes ses dimensions devient ainsi de moins en moins naturelle et donc de plus en plus contre-intuitive. Du coup, pour des raisons idéologiques et plus encore pratiques, on traite de plus en plus des problèmes que pose la mise en oeuvre de la technologie et de moins en moins de ce qu'elles sont censées - mais est-ce possible ? - permettre : accéder, justement, à un monde meilleur. Pour soi et pour les autres.

Ce que ces technologies ont réussi à démontrer pour l'instant, c'est qu'elles débouchaient sur un monde différent. Et de toute évidence, c'est cette différence que nous ne cessons d'explorer pour chercher en quoi, in fine, elle nous permettrait d'accéder à un monde meilleur.

De toute évidence, pour l'instant, elles ne mènent pas au bonheur. Pire même. Elles creusent la différence entre ceux qui disposent d'une capacité d'abstraction du réel et ceux dont les savoirs, les mémoires pratiques et culturelles s'inscrivent dans les corps et dans les gestes. Elles exacerbent ainsi l'opposition entre monde industriel et non industriel, entre "riches" et "pauvres".

A force de devoir présenter les choses en des termes correspondant au raisonnement technique, les solutions sont devenues de moins en moins "évidentes", et les approches des difficultés de moins en moins humainement logiques. Du coup, aujourd'hui, non seulement la seule bonne volonté ne suffit plus, mais de plus en plus, il s'avère qu'elle est productrice d'effets de plus en plus pervers.

C'est en ce sens que la quête d'un monde meilleur prend des allures de défi. Elle ne devrait redevenir réellement possible que le jour où on parviendra à prendre la mesure des modes de pensée liés au développement et surtout au niveau de déploiement des technologies numériques dans le monde. Dans un premier temps, pour tenter de les maîtriser afin ne pas être dominé par le monde des machines. Et, surtout, de ne pas être manipulé par ceux qui en maîtrisent tel ou tel partie ; dans un second temps, pour utiliser la puissance de ces moyens en vue de construire un monde meilleur pour chacun et donc pour tous.

Et donc, la toute première chose à faire est de reconsidérer l'approche occidentale de l'humanitaire. Le monde n'est plus fait de situations immuables, mais de relations et d'échanges dynamiques où chacun interagit et produit son effet sur un ensemble en évolution permanente.

Dans ce monde d'aujourd'hui qui est le notre, le don matériel n'est pas une solution s'inscrivant dans l'avenir. Il sauve toujours, mais sauver est une condition nécessaire, indispensable devenue insuffisante dans ce monde d'interactions. On est responsable de l'avenir des gens que l'on sauve de la mort et plus encore que l'on cherche à tirer moins de la pauvreté (un statut) que de la misère (une situation). Parce qu'aujourd'hui, la lutte contre la pauvreté est devenue un paradoxe. On ne lutte pas contre un statut, la pauvreté. On se bat contre la misère, sous toutes ces formes, car c'est elle qui peut être éradiquée et que c'est elle qui fonde la pauvreté.

La misère n'est pas seulement matérielle. Elle est aussi morale. C'est elle qui mine tous les efforts visant à permettre à ceux qu'elle affecte d'en sortir. Alors fini la stratégie exclusive du don. Il n'y a d'autres issues, aujourd'hui, que celles consistant à apprendre à croire, d'abord, et à faire les premiers pas, ensuite, sur la voie de l'avenir. Le leur. Et donc le notre aussi.

Voici donc la voie en laquelle, je crois. Pas facile mais prometteuse au moins.

Au plan pratique, pour montrer que rien n'a changé fondamentalement en ce bas monde, dès qu'il s'agit de projets ambitieux pour l'humanité, je vais rendre prochainement hommage à Robert Schuman, le père de l'Europe, en postant, ici même, une version actualisée de sa déclaration du 9 mai 1950.

Merci Laurence de m'avoir inspiré, à travers l'objet de votre blog, l'écriture de ce billet.

PS Vous avez raison. Si on mène mon raisonnement jusqu'au bout, cela signifie la fin de l'humanitaire tel qu'on l'entend aujourd'hui. L'humanitaire serait réduit aux actions d'urgence correspondant à des situations ponctuelles et exceptionnelles. Tout le reste devra s'inscrire dans l'accès à une vie "normale" (le terme est à prendre dans l'esprit et non au pied de la lettre), relevant d'une démarche de développement de la communauté visée, fondée sur la valorisation locale, régionale, nationale et internationale systématique des savoirs et savoir-faire locaux rendue possible justement par le déploiement de l'Internet et de son économie.



4 commentaires:

Anonyme a dit…

"Voilà la voie en laquelle je crois"...
Pff, j'ai encore pas tout compris.

Il faut reconsidérer l'humanitaire, c'est cela la voie ?

J'avoue ne pas avoir eu le temps de me plonger dans la lecture du blog de Laurence dont vous n'avez pas donné l'adresse.

Une chose qui m'a déçu (j'ai peut-être compris de travers), c'est votre approche pour parler de la lutte contre la misère, avec cette opposition riche/pauvre. Cela à trop tendance à me faire penser au Marxisme.

La solution à la recherche d'un monde meilleur ne réside t-elle pas dans l'imagination d'un monde idéal qui serait innovant par rapport à ce que l'on a déjà connu ?

Snoopy a dit…

Pour accéder au blog de Laurence, il suffit de cliquer sur "blog"... Diantre, les liens n'apparaissent-ils donc pas ?

La voie consiste à arrêter de penser en termes de problèmes. La lutte contre la pauvreté est un non sens parce que la pauvreté est un statut. La seule possible, c'est de lutter contre les conditions qui créer la pauvreté. En l'occurrence contre la misère. Lutter contre le chômage est un non sens parce que le chômage est une conséquence, pas une cause. Etc, etc, etc... C'est la raison pour laquelle les mesures qu'on nous présente ne marchent pas. Le "bouclier fiscal" en est un autre exemple.

L'humanitaire est un exemple et dans ce cadre lutter contre la misère est effectivement la voie dans laquelle je crois...

L'évocation pays "riches" pays "pauvres" était allusion aux discours bien pensant de la "communauté internationale". Elle fixe ainsi des frontières qui, dès lors, seront quasiment impossibles à faire sauter. Sauf à ce que ce soient les intéressés eux-mêmes qui, déjouant la bonne pensée occidentale, accèdent à la scène internationale. Hier, c'était le Japon jugé moribond et tout juste capable de "copier" alors qu'il apprenait. C'est aujourd'hui l'Inde et la Chine qui font peur parce que l'on n'est toujours pas capable, à force d'ânonner nos clichés, de comprendre les situations et donc d'en prendre la mesure/

La recherche d'un monde meilleur passe effectivement par l'imaginaire. Et contrairement aux apparences, il s'agit moins d'innover que d'être capable de se remettre en question de façon à percevoir la réalité des questions qui se posent au lieu de vouloir prendre ses désirs pour des réalités.

Le monde idéal d'aujourd'hui est un monde où les échanges entre personnes, entre peuples, entre cultures, ne s'effectuent plus dans une logique de jeu à somme nulle où il y a forcément un gagnant et forcément un perdant !

Inventer un tel monde n'est donc pas compliqué. Il suffit de s'assurer à chaque étape de chaque projet que ceux qui participent à son développement y trouvent, à titre personnel et collectif, les raisons de vivre leur vie. Pour ça, il faut cesser de considérer uniquement les gens comme des con...tributeurs ou des contribuables.

La solution à la recherche d'un monde meilleur passe par la remise en cause de nos façons de pensée qui, systématiquement, nous amène prendre les problèmes pour des solutions.

C'est le message de fonds qu'il faut décliner sans cesse tant le pli est pris de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

Je sais. Ce n'est pas évident !

Snoopy a dit…

@Jr. Merci pour vos commentaires. Ils permettent d'avancer.

Anonyme a dit…

Si fait, il suffit de cliquer, et quand je regarde de prêt, je vois effectivement une petite différence. (Cela vient peut-etre du fait que je passe par Netvibes sous IE).

Vous connaissez Tryo ?

Dans une chanson intitulé "J'ai rien prévu pour demain" ils chantent :

"[Un monde]
où tout le monde à compris,
que donner à quelqu'un,
c'est ce faire un ami."

C'est un peu ça, une relation win/win, 1+1 = 3, mais où la création de richesse profite à tous...

Par ailleurs, j'ai compris la différence entre cause et conséquence, la pauvreté comme statut, mais en ce qui concerne la misère, cela n'est pas encore très clair.