dimanche 29 juillet 2007

Quand l'Afrique s'éveillera, le monde sera sauvé !

Je dois avouer que je ressens et que je partage le sentiment de révolte exprimé par Uzodinma Iweala, un auteur nigérian, dans un article coup de gueule que Le Monde a publié dans un "Point de vue", intitulé : Cessez de vouloir "Sauver" l'Afrique !

Le propre de notre société d'aujourd'hui est de nous proposer, au motif d'un dépaysement (réel), façon d'échapper à notre condition ne serait-ce qu'un moment, de nous plonger dans la réalité des autres. Celle des contrées "déshéritées" parce que riches en attraits touristiques ne vient pas en dernier. Ce faisant, l'avion confronte non seulement nos organismes mais aussi nos sentiments aux réalités d'ailleurs. Et c'est, le plus souvent un choc terrible dont il est difficile de se remettre. Car ce retour aux sources originelles apporté par les paysages se paie au prix fort en termes de culpabilité au plan humain. Même si on a fait le choix de s'isoler dans une réserve à "blancs", barricadé derrière de hauts murs, gardé par des milices, la route parcourue dans la poussière entre l'aéroport (et quel aéroport !) et l'hôtel révèle une réalité dont la dureté par rapport à la notre, exclut l'autre de façon rédhibitoire. Non seulement, il est différent, mais qui, plus est, il est pauvre. Insupportable ! Du coup, d'un côté comme de l'autre, les écarts dépassant l'entendement, s'établit un échange fou visant à réduire, comme on le dit d'une fracture, un écart qui, contrairement aux apparences, n'est pas seulement quantitatif. Donner ce que l'on a à ceux qui ne l'ont pas en pensant que cela peut suffire est humain mais totalement idiot et complètement à côté de la question de fond. Celle de donner à l'autre la capacité de prendre la main sur son destin, de penser et même de rêver un avenir et les moyens d'en faire une réalité.

Du coup, l'humanitaire est condamné à devenir, par nature même, inhumain.

Certes, il y a les urgences. L'aide à personnes en danger. Mais cette activité vire vite à un activisme qui masque la quête de bonne conscience nécessaire pour supporter l'insupportable. Dû moins au poids de l'inégalité qu'à celui de l'injustice.

Parce que le décalage constaté n'est pas seulement le fait du temps et de l'espace. Il est aussi la conséquence directe du constat que notre richesse provient du pillage et de la destruction des ressources des autres, en général, et des leurs en l'occurrence. Et le plus étonnant, dans l'affaire, c'est qu'il n'y a besoin ni de discours ni de dessins pour en être convaincu. Le choc des différences suffit. Ça saute littéralement aux yeux.

Dans ces conditions d'inégalités entretenues, les solutions font le plus souvent problèmes et accentuent encore le fossé repoussant les plus démunis dans des situations encore plus insoutenables qui suscitent à leur tour des solutions de plus en plus problématiques pour la condition d'homme, de femme, d'enfants. De là-bas ,mais d'ici aussi..

Le soutien à nos agriculteurs qui ne font que détruire leurs perspectives de survie à terme, tue aussi sûrement dans ces pays. Le poulet des surplus européens extermine, malgré ses coûts quasi insignifiants, l'élevage local. Elever un poulet pour le vendre ne peut plus nourrir ni son homme, ni sa famille dans les pays d'Afrique touchés par l'aide européenne... Vous me direz que ce n'est pas mieux sur les marchés internationaux des produits agricoles où la production des pays dits "pauvres" ne peut lutter contre les prix subventionnés de la production des pays riches. Décidément, cette richesse-là rend pauvre.

Dans ces conditions, l'aide est condamnée à virer à la catastrophe humanitaire. Argent non distribué ou mal distribué, coûts de collecte, de gestion et de distribution qui s'envolent. Et la plaisanterie de circuler : l'Afrique a connu trois calamitiés. Les missionnaires, les militaires et... les ONG.

Et le propos, le plus souvent malheureusement, est totalement justifié. Parce que tant que l'on n'ira pas au fond, la démarche consistera à arroser, au goutte à goutte, un désert. Ce qui, à la limite serait le moindre le mal. Parce que le pire est ailleurs.

Le pire, c'est que, par nature, l'ONG ne peut devenir qu'un vrai business qui enrichit plus sûrement les riches que les pauvres... Question d'industrialisation de l'activité qui du coup ne peut plus parvenir à traiter des vraies questions qui "pèsent" chacune quelques centaines d'euros dès lors que l'on dispose de millions sinon de milliards de ces euros ou de ces dollars.

Et donc la question est ailleurs.

En matière humaine, misère ou pas, la seule solution qui tienne est celle qui apporte à chacun une réponse qui tienne à la question de l'avenir. Le sien. Ce que non pas l'aide, mais l'intention et la politique d'aide évacuent par nature. Non parce qu'elle s'inscrit le plus souvent dans l'immédiat, mais parce que, plus fondamentalement, elle consiste à projeter sur l'autre sa vision à soi de l'avenir. Et la "bonne volonté" de la jeune étudiante blonde "agressant" l'homme noir qui passe "indifférent" devant son étal militant, d'un "vous ne voulez pas sauver l'Afrique ? " accusateur à de quoi effectivement révolter Uzodinma Iweala. Parce que, malgré les apparences et nos attitudes, la vraie richesse, celle des hommes, n'est plus chez nous mais bien là-bas.

Non seulement parce que le pouvoir d'achat de ceux que l'on qualifie (condamne) de pauvres n'est pas insignifiant (5 000 milliards de dollars dit la Banque Mondiale) mais aussi parce que le montant même de ce pouvoir d'achat du fait qu'il surprenne, montre bien que le vrai drame, c'est que l'on étouffe bien les "pauvres" et leurs richesses qui dépassent, et de loin, leur seul pouvoir d'achat.

Force est de constater que les Africains survivent encore là où la plupart des autres civilisations ont disparu ou ont été assimilées. Et ce n'est pas rien. Ils le doivent, je le crois, à l'énergie et au génie que leurs conditions de vie nécessitent pour simplement exister.

C'est dire que le jour où l'Afrique s'éveillera, ce qui ne saurait tarder, c'est le monde entier qui saura sauvé. Parce que cela signifiera que ceux que l'on dit les plus pauvres et les plus exclus, catégories dont relève de plus en plus une majorité sans cesse grandissante des populations du monde - y compris et surtout dans les pays dits riches - ont su prendre la parole et s'en servir moins pour asservir les autres que pour valoriser ce qu'ils sont et ce qu'ils savent.

Alors, il est urgent de cessez de vouloir "sauver" l'Afrique. Il est grand temps, plutôt, de chercher à nous donner notre chance à tous.


samedi 28 juillet 2007

Vacances forcées

Je pensais pouvoir... ben non !

Je vis actuellement dans un petit village de l'arrière-pays niçois. Je pensais pouvoir alimenter mon blog dans de bonnes conditions. Pas possible. Le débit est beaucoup trop lent et le nombre des coupures trop important...

Et pourtant, dans ce village, certains disposent de l'accès à l'ADSL , d'autres, dont moi, pas. Je me renseigne et on m'annonce qu'effectivement, ma ligne n'est pas éligible. Pour avoir accès à l'ADSL, il faut que j'ouvre une nouvelle ligne. Coût : 109 euros !

Sinon, il faut mobiliser sa Mairie pour obtenir qu'elle groupe les demandes et paie les travaux pour généraliser l'accès à l'ADSL.

Mon voisin me fait remarquer que le principe de service public qui imposait l'accès à tous aux moyens de communication n'existe donc plus dans les faits.

Qu'en pensez-vour ?

En attendant, la situation créée ne me permet pas vraiment d'exercer mon office ! La Présidence est, elle aussi, à deux vitesses !

Merci à ceux qui passent ici. Qu'ils ne m'en veuillent pas trop de cette absence d'actualité, mais je continue de travailler et dès mon retour dans des contrées mieux équipées, vous allez pouvoir profiter de ces travaux de vacances.

A ceux qui sont encore là, je souhaite un très bon courage. Aux autres, de très bonnes vacances.

A tous, à très bientôt



jeudi 19 juillet 2007

Penser l'avenir

Je reprends, ici, mes échanges avec JR parce qu'ils touchent à l'essentiel pour comprendre ce qui se trame avec notre entrée dans le XXIème siècle. (A la re-lecture, je ne pensais pas que vouloir démontrer la nécessité de penser solution déboucherait à traiter de la question européenne ! Comme quoi, il y a là le bout de la pelote de ficelle sur lequel il faut tirer !).

J'encourage donc le lecteur intéressé, à revenir au billet précédent et aux premiers échanges avec JR au niveau des commentaires.

Je reproduis ma dernière réponse que je complète (texte en bleu) à la lumière de mes échanges avec JR :

"La voie consiste à arrêter de penser en termes de problèmes. La lutte contre la pauvreté est un non sens parce que la pauvreté est un état, un statut. La seule chose à faire, c'est de lutter contre les conditions qui créer la pauvreté. En l'occurrence contre la misère parce que la misère correspond, elle, aux divers sentiments ressentis face à la pauvreté (il n'y a pas une misère, mais des misères). Et les sentiments, eux , changent et on peut faire en sorte qu'ils changent. Et souvent, il suffit de peu de chose, d'un peu de considération.

"Lutter contre le chômage est un non sens parce que le chômage est une conséquence, pas une cause. Etc, etc, etc... C'est la raison pour laquelle les mesures qu'on nous présente ne marchent pas. Le "bouclier fiscal" en est un autre exemple.

"L'humanitaire en est un autre exemple. Soit il relève de la charité et à part soigner la mauvaise conscience des "riches", elle ne règle rien sur le terrain. Soit, elle vise à donner les moyens d'espérer et de prendre en main leur destin à ceux qui sont dans la peine et là alors, elle lutte contre la misère de façon durable. Et l'expérience le prouve, c'est effectivement la voie dans laquelle il faut croire et s'engager.

"L'évocation pays "riches" pays "pauvres" était allusion aux discours bien pensant de la "communauté internationale". Elle fixe ainsi des frontières qui, dès lors, seront quasiment impossibles à faire sauter. Sauf à ce que ce soient les intéressés eux-mêmes qui, déjouant la bonne pensée occidentale, accèdent à la scène internationale. Hier, c'était le Japon de l'après-guerre, jugé moribond et tout juste capable de "copier" alors qu'il apprenait. C'est aujourd'hui l'Inde et la Chine qui font peur parce que l'on n'est toujours pas capable, à force d'ânonner nos clichés, de comprendre les situations et donc d'en prendre la mesure.

"La recherche d'un monde meilleur passe effectivement par l'imaginaire. Et contrairement aux apparences, il s'agit moins d'innover que d'être capable de se remettre en question afin de percevoir, enfin, en quels termes il convient de poser les problèmes pour trouver des solutions, plutôt que de fuir le réel en prenant nos désirs pour la réalité !

"Le monde idéal d'aujourd'hui est un monde où les échanges entre personnes, entre peuples, entre cultures, ne s'effectuent plus dans une logique de jeu à somme nulle où il y a forcément un gagnant et forcément un perdant ! Imaginer un cerveau où chaque neurone n'aurait qu'une seule "idée", "avoir l'autre" ? Et chaque synapse, retenir l'information pour mieux la vendre ! Voilà où nous en sommes. Le monde et les hommes en réseau d'aujourd'hui relèvent plus du cerveau que d'un ensemble disparate d'intérêts particuliers. Voilà en quoi le monde d'aujourd'hui a changé. Voilà ce qu'il devient urgent de prendre conscience.

"Vivre un tel monde n'est donc pas compliqué. Cela consiste à s'assurer, qu'à chaque étape de chaque projet, que ceux qui participent, directement et indirectement à son développement y trouvent, à titre personnel et collectif, des raisons de vivre leur vie. Pour ça, il faut cesser de considérer uniquement les gens comme des con...tributeurs ou des contribuables.

"La solution à la recherche d'un monde meilleur passe par la remise en cause de nos façons de pensée qui, systématiquement, nous amène prendre les problèmes pour des solutions.

"C'est le message de fonds qu'il faut décliner sans cesse tant le pli est pris de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

"Je sais. Ce n'est pas évident !"

JR ajoute alors (extrait de sa réponse)

"Vous connaissez Tryo ?

Dans une chanson intitulé "J'ai rien prévu pour demain" ils chantent :

"[Un monde]
où tout le monde à compris,
que donner à quelqu'un,
c'est ce faire un ami."

C'est un peu ça, une relation win/win, 1+1 = 3, mais où la création de richesse profite à tous..."

Cher JR, ça va encore nettement plus loin que ça. Pour faire simple, dès lors que le monde est majoritairement connecté, la création de richesse des uns est création de la richesse de chacun et de tous ! A contrario, les dysfonctionnements des uns deviennent les dysfonctionnements de tous. Quel est le degré de granularité du phénomène (A partir de quand le dysfonctionnement de certains, affecte-t-il chacun ?) ? Je ne le sais pas. Ce qui paraît certain, c'est qu'à plus d'un milliard d'internautes, le phénomène devient patent.

Ça paraît fou ! Et pourtant, c'est bien sur ce phénomène que repose, entre autres, le marketing viral et donc le succès économique d'un Google, d'un You Tube ou d'un MySpace.

Donc pour revenir aux paroles de la chanson, donner à quelqu'un reviendrait tout autant à se faire un ami qu'à se faire du bien à soi. Bon, ça manque de poésie, mais ça permet aussi de remettre les pendules à l'heure.

Contrairement à ce que disent MM Hulot, Arthus-Bertrand et les mal-pensants, c'est moins la planète qu'il faut sauver que l'homme, la femme, les enfants et les personnes âgées en permettant à chacun d'eux de s'inventer un avenir qui, cette fois, résonnera avec celui des autres et avec le reste, connu ou méconnu encore, de l'univers. C'est en tout cas ce que nous laisse entendre la science aujourd'hui.

Et donc, notre survie ne passe pas par des petits gestes et des petites pensées dont le moteur essentiel est la culpabilité. Cela passe par la capacité de s'inventer un futur ce que ne proposent pas ces gens-là et tous les mal-pensants. A la stratégie de la peur, il commence à devenir urgent de s'engager dans une stratégie de l'espoir. Et donc, pour commencer, d'accepter de remettre en cause nos façons, de toute évidence, dépassées, de penser le monde.

Difficile ? Certes.

Impossible ? Non. Comme l'a été la construction de la paix en Europe au détour de Seconde Guerre mondiale.

Parce que la véritable finalité de la construction européenne, c'est la paix. Le reste relève des moyens et si aujourd'hui, la construction européenne bloque, c'est qu'elle ne parvient plus à avoir, ici aussi, les ambitions de ses moyens. Parce que cela ne peut plus être, si jamais cela l'a été un jour, une affaire de bureaucratie, de fonctionnaires et encore moins de technocrates. Ce ne peut être qu'une affaire de visionnaire.

Que devrait donc être pour les 30 à 50 ans qui viennent, après l'instauration de la paix en Europe, son ambition politique - et non économique au sens étroit et quelque peu borné du terme ? Telle est la question à laquelle il faut trouver, très vite, une réponse.

Le traité proposé n'est qu'un emplâtre sur une jambe de bois, qui, pour l'instant, sauve essentiellement la tête de gens dont les faits montrent que leur façon de penser les réalités de l'Europe ne correspond pas aux réalités du monde d'aujourd'hui. Ce qui est en passe de devenir, comme pour les rapports à la nature, insupportable tant le niveau de destruction atteint remet en cause l'avenir de tous.

Alors, après l'instauration de la paix, à quelle miracle pensez-vous que nous devrions rêver aujourd'hui au niveau européen ? D'ailleurs, l'Europe est-elle encore pertinente en termes de couverture géographique ? Le fait que la Turquie frappe à la porte de la communauté européenne montre bien que la portée de cette communauté-là va bien au-delà de ces frontières. Reste alors à se poser la question de savoir quel est le rôle de l'économique et celui des règles - en tant que moyens et non en tant que finalités - dans l'instauration, le maintien et le développement de cette communauté.

C'est dans ce domaine, qu'il faut sans doute penser d'abord. L'avenir de chacun ne peut plus se penser en dehors de cette dimension-là aussi. Pour les autres, mais aussi et surtout pour soi aussi. Avenir bien ordonné, commence par soi-même. C'est dire qu'il va falloir revoir, de fond en comble, les raisons qui nous ont permis d'en arriver là.

La question des grandes guerres européennes étant réglé, il importe maintenant de s'attaquer à la suite, pour régler cette fois, le sort des conflits régionaux potentiels dont l'ex-Yougoslavie nous a montré la réalité. Parvenu à ce point, j'en viens à penser que l'objet même de la construction européenne est toujours le même : l'instauration de la paix. Que ce qui change, par contre, c'est la façon de penser et de mettre en œuvre les moyens d'y parvenir.

L'Europe d'aujourd'hui, à force de se prendre au sérieux sous l'impulsion de fonctionnaires sans réelle dimension politique possible est en train de détruire l'idée même de l'homme européen c'est-à-dire, de l'homme vivant en paix et de la paix. La paix ne se construit pas, ne s'instaure pas, n'existera pas durablement sans les hommes, les femmes, les enfants, les personnes âgées, ceux et celles qui vivent là mais aussi ailleurs. Le monde d'aujourd'hui est fait de gens différents qui en font sa richesse. Il sera de moins en moins un monde fait d'étrangers tant le concept même est devenu mortifère et anachronique.


mercredi 18 juillet 2007

Lettre ouverte à Laurence (Searching For a Better World...)

Bonjour Laurence,

Je trouve l’objet de votre blog magnifique... parce que simplissime. "Pour un monde meilleur" Effectivement, ce devrait être, là, l'unique pensée de tout le monde. A commencer par nos dirigeants.

Hélas, à cette unique pensée, ils préfèrent le plus souvent, la pensée unique....

Même si je n'ai pas pensé à formuler ma quête en ces termes, ceux de la recherche d’un monde meilleur, c'est pourtant bien de ça dont il s'agit en final.

Et, évidemment, ce n'est pas simple.

Ce n'est pas simple parce que ce qui fonde nos raisonnements est bouleversé par les changements technologiques. En particulier, le numérique et sa dématérialisation bousculent et l'écrit et l'oralité, nos principaux moyens de pensée depuis que l'Homme est sur terre. Et donc, indirectement, ce sont nos modes de pensée, à nous cette fois, qui en sont affectés et donc, les façons que chacun et que chaque collectivité a de se représenter le monde.

Cela étant et en l'état, ces nouvelles technologies augmentent encore la coupure entre l'homme et la nature commencée avec l'écrit. La perception pertinente du monde s'en trouve de plus en plus difficile à saisir tant l'accès à ses réalités passe de plus en plus par des médias. Notre perception du monde réel dans toutes ses dimensions devient ainsi de moins en moins naturelle et donc de plus en plus contre-intuitive. Du coup, pour des raisons idéologiques et plus encore pratiques, on traite de plus en plus des problèmes que pose la mise en oeuvre de la technologie et de moins en moins de ce qu'elles sont censées - mais est-ce possible ? - permettre : accéder, justement, à un monde meilleur. Pour soi et pour les autres.

Ce que ces technologies ont réussi à démontrer pour l'instant, c'est qu'elles débouchaient sur un monde différent. Et de toute évidence, c'est cette différence que nous ne cessons d'explorer pour chercher en quoi, in fine, elle nous permettrait d'accéder à un monde meilleur.

De toute évidence, pour l'instant, elles ne mènent pas au bonheur. Pire même. Elles creusent la différence entre ceux qui disposent d'une capacité d'abstraction du réel et ceux dont les savoirs, les mémoires pratiques et culturelles s'inscrivent dans les corps et dans les gestes. Elles exacerbent ainsi l'opposition entre monde industriel et non industriel, entre "riches" et "pauvres".

A force de devoir présenter les choses en des termes correspondant au raisonnement technique, les solutions sont devenues de moins en moins "évidentes", et les approches des difficultés de moins en moins humainement logiques. Du coup, aujourd'hui, non seulement la seule bonne volonté ne suffit plus, mais de plus en plus, il s'avère qu'elle est productrice d'effets de plus en plus pervers.

C'est en ce sens que la quête d'un monde meilleur prend des allures de défi. Elle ne devrait redevenir réellement possible que le jour où on parviendra à prendre la mesure des modes de pensée liés au développement et surtout au niveau de déploiement des technologies numériques dans le monde. Dans un premier temps, pour tenter de les maîtriser afin ne pas être dominé par le monde des machines. Et, surtout, de ne pas être manipulé par ceux qui en maîtrisent tel ou tel partie ; dans un second temps, pour utiliser la puissance de ces moyens en vue de construire un monde meilleur pour chacun et donc pour tous.

Et donc, la toute première chose à faire est de reconsidérer l'approche occidentale de l'humanitaire. Le monde n'est plus fait de situations immuables, mais de relations et d'échanges dynamiques où chacun interagit et produit son effet sur un ensemble en évolution permanente.

Dans ce monde d'aujourd'hui qui est le notre, le don matériel n'est pas une solution s'inscrivant dans l'avenir. Il sauve toujours, mais sauver est une condition nécessaire, indispensable devenue insuffisante dans ce monde d'interactions. On est responsable de l'avenir des gens que l'on sauve de la mort et plus encore que l'on cherche à tirer moins de la pauvreté (un statut) que de la misère (une situation). Parce qu'aujourd'hui, la lutte contre la pauvreté est devenue un paradoxe. On ne lutte pas contre un statut, la pauvreté. On se bat contre la misère, sous toutes ces formes, car c'est elle qui peut être éradiquée et que c'est elle qui fonde la pauvreté.

La misère n'est pas seulement matérielle. Elle est aussi morale. C'est elle qui mine tous les efforts visant à permettre à ceux qu'elle affecte d'en sortir. Alors fini la stratégie exclusive du don. Il n'y a d'autres issues, aujourd'hui, que celles consistant à apprendre à croire, d'abord, et à faire les premiers pas, ensuite, sur la voie de l'avenir. Le leur. Et donc le notre aussi.

Voici donc la voie en laquelle, je crois. Pas facile mais prometteuse au moins.

Au plan pratique, pour montrer que rien n'a changé fondamentalement en ce bas monde, dès qu'il s'agit de projets ambitieux pour l'humanité, je vais rendre prochainement hommage à Robert Schuman, le père de l'Europe, en postant, ici même, une version actualisée de sa déclaration du 9 mai 1950.

Merci Laurence de m'avoir inspiré, à travers l'objet de votre blog, l'écriture de ce billet.

PS Vous avez raison. Si on mène mon raisonnement jusqu'au bout, cela signifie la fin de l'humanitaire tel qu'on l'entend aujourd'hui. L'humanitaire serait réduit aux actions d'urgence correspondant à des situations ponctuelles et exceptionnelles. Tout le reste devra s'inscrire dans l'accès à une vie "normale" (le terme est à prendre dans l'esprit et non au pied de la lettre), relevant d'une démarche de développement de la communauté visée, fondée sur la valorisation locale, régionale, nationale et internationale systématique des savoirs et savoir-faire locaux rendue possible justement par le déploiement de l'Internet et de son économie.



mardi 17 juillet 2007

L'American Way of Life Présidentiel

Le chien étant le meilleur ami de l'homme, parfois l'homme le lui rend bien. Tout ça pour dire que j'ai une amie Québécoise qui m'honore de sa conversation. Enfin, n'étant pas chien, c'est moi qui parle beaucoup. Mais je l'écoute aussi. La preuve.

Discutant de Nicolas Sarkozy, Président, et du numéro qu'il nous a fait à la revue du 14 juillet, Carole, cette amie, m'a dit qu'Outre-Atlantique, ces manières de faire était monnaie courante. Et ce depuis belle lurette. J'ai mis un certain temps à réaliser que du "paquet fiscal" ou mieux "bouclier fiscal" (tax shelter en bon américain des familles), au serrage de mains des défavorisés par la vie en direct "live" et en plan américain, notre Président nous la jouait à l'américaine. Comme un remake du fameux film de Jacques Tati, où la vedette n'est plus tenue par un facteur, mais nouvelles technologies obligent, par le Président de la République française, himself.

Naïvement, depuis deux billets, du haut de ma niche, je n'avais rien vu. Dans ces conditions, vous méritiez bien ce billet d'excuse. J'aurais mieux fait d'intitulé mon billet d'hier : "Jour de Fête" en hommage à Jacques Tati qui avait, lui, venir le coup.

lundi 16 juillet 2007

La Fête

Je trouve que son statut va bien au teint du Président de la République en place.

J'ai enfin réalisé, ce 14 juillet, ce que ce Président avait d'étonnant. Ce n'est pas tant qu'il baigne dans le bonheur qui étonne le plus. C'est la nature de ce bonheur : celui d'un petit garçon complètement ravi de ce qui lui arrive et qui n'arrête pas de se pincer pour être sûr qu'il ne rêve pas. Cette joie-là est troublante. On perd ses marques. On se laisse gagner par cette spontanéité. Impossible de condamner la joie ! Le P.S. a beau jouer les vierges effarouchées, le combat est perdu d'avance. N.S. en affichant un plaisir sans pareil est en passe d'acquérir effectivement une légitimité qui dépasse et de loin celle acquise par les urnes. Parler de droit divin serait abusif, mais de toute évidence, le personnage est bien dans les bottes du pouvoir symbolique qui le lui rend bien.

Tout au long du défilé, à chaque fois que les caméras se braquaient sur le président, j'avais l'impression que l'on célébrait non la Fête nationale, mais le Noël du Petit Nicolas en plein de mois de juillet. L'impression de voir un enfant découvrant des jouets incroyables descendant et du ciel et le Champs-Elysées et pouvant se dire, à chaque fois, au comble de l'émerveillement : "c'est à moi !" Et la foule, quelque part de le lui confirmer.

Jamais je n'ai vu un défilé militaire aussi désarmant. Ce Président est un grand enfant. Mais, hélas, j'ai peur qu'il s'agisse là, d'un sale gosse qui nous prépare de sales coups.

En attendant, tous les ministres l'ont dit: ce défilé était très émouvant et le président vire-voltant, s'est montré très partageur. Cet homme-là a une façon très personnelle de faire la Fête. Spontanée ? C'est une autres affaire. Païenne ? Certainement. Habile ? Assurément.

Serrer la main d'un porte drapeau désacralise le rapport aux symboles tout en l'humanisant. N.S. n'a pas salué les 27 pays européens. En serrant la main de chacun de ces hommes, en amenant les principaux responsables des instances européenne a en faire autant à sa suite, il a conféré à l'Europe une dimension politique à ce geste. Le Président a moins invité l'Europe qu'il s'est positionné auprès de l'opinion publique comme maître de ballet de l'Europe politique.

Après la France, l'Europe donc. A quand le monde ? En attendant, et de toutes évidences, N.S. a fait de cette Fête nationale du 14 juillet, SA fête. Tout comme il fait de la Présidence, SA Présidence. Tout comme il a fait de l'Europe, ce moment-là, SON Europe. Sa "joie" et ses ambitions sont contagieuses. L'épidémie sarkozienne est partie à la conquête de l'Europe et du monde. Et, Sarkozy est en passe de devenir la série télé qui manque à la France. En tout cas, la première saison commence en fanfares.


"Paquet'" ou "bouclier" fiscal ?

Que ce soit l'une ou l'autre version que l'on retienne pour décrire les dispositions fiscales proposées en ce début de présidence sarkozienne, je reste très perplexe concernant leur efficacité. Car à quoi visait donc cette série de dispositions dans l'esprit du nouveau président ? A provoquer "un choc de confiance".

Pour le choc, rendons au président ce qui lui appartient, c'est gagné. Même ses troupes ont été secouées.

Quant à la confiance, je suis plus dubitatif. Je ne suis pas sûr que les riches, pas plus que les moins riches pour ne pas parler des pauvres, aient plus confiance en l'avenir.

Certes, le "paquet" fiscal est une aubaine pour certains et une très, très, très bonne aubaine pour une minorité. Pour tous les autres, elle va coûter 13 milliards d'euros et des grosses poussières en années pleines.

C'est ce qui s'appelle certainement en faire nettement moins pour gagner nettement plus. Mais, vous l'avez compris, ceci n'est pas donné à tout le monde. Voilà pour les faits.

Pour le reste, je crois que c'est mal joué sur toute la ligne. Là aussi on a les riches que l'on mérite. La France me semble mériter mieux que des gens qui ne fuient pas le pays uniquement pour des cadeaux fiscaux. C'est l'approche par la médiocrité.

Ce qu'il faut rechercher, c'est là aussi et une fois encore, à créer des conditions de vivre et d'agir telles que personne ait envie d'aller vivre ailleurs. Même si il en a le choix. Plus même. Au point qu'il accepte de payer plus parce que cela en vaudrait la peine.

L'objectif n'est pas gardé des riches à tout prix, c'est le moment de le dire, mais de faire en sorte que les plus méritants des plus riches aient envie de quitter leur pays pour venir vivre dans le notre.

Ceci posé, mon travail de président n'est pas de dire ni à quoi ça ressemble ni comment faire. Parce qu'un président, ce n'est pas tant fait pour rassembler que d'inspirer à chacun l'envie de faire ensemble.

Mon travail consiste donc moins à rassembler qu'à motiver et mobiliser l'énergie et le talent de chacun pour construire justement l'environnement qui réponde, parce qu'il sera vertueux, à ses attentes essentielles. Celles auxquelles il faut impérativement se donner les moyens de répondre parce qu'elles donnent à chacun un sens à sa vie et à tous elles procurent le moyen de retrouver le plaisir de vivre ensemble et donc de redonner confiance en l'avenir.

L'avenir et la vertu ne se décrètent pas plus qu'elles ne s'achètent. Alors toutes ces mesures ne servent à rien sinon à masquer les solutions, les bonnes résolutions et les bons engagements.

Reste non pas à convaincre parce qu'il s'agit moins de cela que de redonner l'espoir, de montrer qu'il est possible de croire que les choses sont possibles et qu'il suffit pour cela d'arrêter de penser en termes de problème et de réfléchir en termes de solution.
D'ailleurs, pour tester le bien fondé du propos, il suffit de l'appliquer à soi-même.

En tout cas, penser solution et non problème, c'est la seule manière d'aborder les choses si l'on veut déboucher sur un programme qui soit réellement politique et qui puisse tenir. Parce que ce n'est pas au président de tenir ses promesses. C'est à son programme. Si son programme n'y parvient pas, alors il faut effectivement sanctionner le président. Mais il faut impérativement cesser de tout mélanger ainsi.

Quant à la manière de mettre en oeuvre les choses, Robert Schumann, le père de l'Europe, avait indiqué la méthode et montrer, aussi, la voie. Il faudra donc y revenir (que ce soit sur la méthode et sur l'objet du programme).

Qu'en pensez-vous ?

PS En attendant, le "paquet fiscal" montre l'urgence qu'il y a à répondre aux questions de l'emploi et du travail tant sa réussite repose sur la croissance et donc sur elles.

dimanche 15 juillet 2007

Epinal : doit mieux faire

"Le Président doit rassembler". C'est, pour le moins, le service présidentiel minimum. Surtout pour un Président qui veut gouverner.

En fait, comme on l'a vu dans le billet précédent, ce n'est pas que la chose soit facile, mais il est évident que si on pose le problème de façon à passer à côté, la chose devient impossible.

En fait, la mission d'un Président ne consiste pas seulement à rassembler. Elle est de tout faire pour éviter ce qui peut diviser la Nation. Ni en termes de communication. Encore moins en termes de traitement des uns et des autres. Et sur ce point, on ne peut pas dire que le début du quinquennat Sarkozy aille dans le sens de la diminution des inégalités.

Au-delà du rassemblement, ce pays a surtout besoin de reconstituer une solidarité de fait pour s'attaquer à l'avenir. Et pour cela il faudrait une vision et des réalisations permettant de mobiliser tous les esprits. On en est loin.

samedi 14 juillet 2007

De plein emploi au bon emploi


Pour commencer, je dois avouer mon accord partiel avec huit eurodéputés sur dix si l'on en croit cet article du Monde. Le travail de "shadow president", de toute évidence, relève d'un travail à temps plein. Quant au CDI, concernant ce travail, cela est séduisant, mais est-ce bien raisonnable ?

En attendant, comme vous l'avez certainement remarqué, j'ai beaucoup de mal à assurer le rythme de publication souhaité.

A cela, j'ai découvert qu'il y avait une raison majeure. A force d'être secouée depuis une vingtaine, sinon une trentaine d'années, à coups d'innovation, la société a éclaté. Aujourd'hui, plus que de rassembler - j'y reviendrai -, il s'agit, avant tout, de recoller des morceaux. Du coup, vouloir expliquer qu'il s'agit aujourd'hui de penser différemment l'avenir est une démarche vouée à l'échec. Doublement.

Sur le plan du contenu, d'abord. Pour parvenir à faire prendre conscience de la nécessité de changer nos façons d'aborder les choses, encore faudrait-il convaincre que penser l'avenir et le construire sont des chose non seulement possibles mais éminemment souhaitables.

Avec le risque réel qu'à l'heure où la génération adulte est convaincue que ses enfants vivront moins bien qu'eux-mêmes, l'idée même ne peut-être ressentie que comme de la provocation.

Alors ?

Alors, alors, Sarko est arrivé.

Et s'il a décroché la timbale, c'est moins qu'il ait proposé véritablement un programme politique, qu'un programme d'actions. Ce qui n'est pas du tout la même chose comme, hélas, l'avenir immédiat risque de nous le démontrer.

En attendant, les débats des euro-députés concernant la modernisation du "droit du travail pour relever les défis du XXIème siècle" est exemplaire tant il montre que les questions soulevées par le changement sont posées en des termes qui excluent de trouver, spontanément des solutions.

De fait, à lire cet article, on découvre très vite que la vraie question n'est ni d'ordre juridique, ni même d'ordre économique. La vraie question est d'ordre politique et elle porte tout autant sur la protection des individus que de ceux qui travaillent. Parce qu'en final, la question tourne moins autour de la sécurité de l'emploi que la lutte contre la précarisation du sort de ceux qui travaillent. Pour des raisons humaines, mais pas seulement. Un travailleur précarisé, dans une société à plus de 40% de prélèvements obligatoires, c'est toute l'économie mais aussi toute la politique d'un pays qui se trouvent précarisées.

La vraie question est donc moins le contrat de travail en soi que de savoir qu'elle est la place dans la société de ceux qui travaillent et qui contribuent ainsi au fonctionnement non plus seulement économique mais politique du pays. Cela renvoie une vision beaucoup plus positive que défensive de l'emploi. Elle n'est plus seulement relative au travail. Elle pose la question de sa nature ce qui, dès lors, permettrait d'aborder les questions d'avenir en nous permettant de sortir du paradoxe actuel ou la façon même de penser le travail sur des bases devenues dépassées ne permet plus de penser l'emploi.

Dès lors, s'entendre sur le fait que le "CDI plein temps doit rester la norme" montre bien que les euro-députés ne sont pas encore parvenus - mais les autres aussi par la même occasion - à poser la question dans les bons termes.

Même l'évocation de la situation dans les pays scandinaves, vire à la démonstration que l'on s'enferme dans une logique dépassée. Citation : "L'exemple des pays scandinaves montre clairement que le niveau élevé de la protection contre le licenciement et des normes en matière de travail est tout à fait compatible avec une forte croissance de l'emploi". La question n'est pas de protéger contre le licenciement. La question avant celle-ci est de savoir comment faire en sorte pour que le recours au licenciement ne concerne plus que les comportements individuels. Cela voudrait dire que l'entreprise aurait enfin pris la mesure des changements techniques et de leur impact sur la nature même du travail ce qui demande, effectivement, que l'on cherche moins à préserver ce qui, hier, assurait la valeur économique du travail, mais ce qu'elle est aujourd'hui et plus encore, ce qu'elle devrait être demain.

Encore donc, faudrait-il au moins se poser la question.

Pas évident, mais pourtant se focaliser sur cette question me semble relever d'une démarche vertueuse. Et pour cause. Elle repose sur le développement de ce que chacun à de mieux à proposer dans l'intérêt de tous. Et donc, à commencer par les siens. Cela concerne les employés, les employeurs mais aussi et surtout l'économie des pays. En ce sens cette approche de la question de l'emploi et donc du travail constitue un préalable pour pouvoir traiter de la construction de l'avenir. En d'autres termes, la question de l'emploi ne devrait plus tant se poser en termes de plein emploi, mais de bon emploi. La seule façon, aujourd'hui, de parvenir au plein emploi de tous. Que ce soit au travail ou ailleurs (je pense, ici, au sort fait au travail de la mère de famille au foyer et à celui de l'épouse de beaucoup de commerçants).




samedi 7 juillet 2007

L'emploi réenchanté

Les choses bougeant beaucoup ces dernières heures, ce qui explique le rythme ératique de publication de mes billets, il est possible que je me répète ici. Si c'est le cas, veuillez m'en pardonner.

Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'emploi réenchanté dont il est question dans le titre ? Avouez que je fais fort !

Eh bien, oui. Vous avez bien lu. Il va bien être question du réanchantement de l'emploi dans ce billet.

Voici donc le pourquoi du titre. On verra une autre fois pour le comment.

A force de voyager aux confins de l'infiniment petit, d'un côté, et de l'infiniment grand, de l'autre, certains scientifique en sont arrivés à la conclusion que notre vision du monde et de l'homme aujourd'hui, est aussi dépassée que celle que les hommes avaient de l'univers au Moyen-Âge. Un univers de petite taille, dont la Terre était le centre.

Nous vivons aujourd'hui encore d'une vision héritée du siècle des Lumières où l'univers relève d'un inventaire à la Prévert, le monde d'une multitude de territoires géographiques et culturels morcelés et où, une certaine image de l'homme, celle de l' "honnête homme", rationnel et disposant de tous les savoirs, occupe le centre.

La société industrielle est le fruit de cette vision qui, au nom de la rationnalité, n'a eu de cesse d'exclure l'homme de la vie tant celle-ci, au nom cette fois de la perfection intellectuelle, ne pouvait être mécanique, d'abord, et automatisée, ensuite.

Car, on le sait bien, l'homme par nature est imprévisible et les facteurs humains ne font pas bon ménage avec les machines automatiques... Pas étonnant que selon cette vision, l'homme ne peut être perçu que comme un grain de sable potentiel propre à enrayer le bon fonctionnement de la société.

C'est donc, sans réelle surprise, que cette vision industrielle de l'homme et du monde débouche sur un monde désenchanté où on n'a jamais disposé d'autant de moyens tout en étant dépourvu d'autant de rêves à la hauteur de ces moyens. Et même d'imaginaire.

Et c'est à ce moment de l'histoire que nos voyageurs scientifiques découvrent de nouveaux niveaux de réalité qui ne relèvent plus de cette vision mécaniste des choses ramenant la vie à une petite cuisine portant exclusivement sur les choses connues à l'exclusion de tous les autres.

Dans cet autre monde, la conscience ne peut plus se résumer à la seule activité de neurones. Quant à la vie, elle, elle s'inscrit dans les lois de fonctionnement de l'Univers. Tout cela débouche sur une vision de l'Univers et du monde ouverts, totalement interdépendants de tout ce qui les compose et les environne. Et dont l'homme est une partie et dont le centre est occupée par... l'esprit.

Ce monde est celui du réenchantement. Celui où chacun a sa place. Une vision qui permet de rétablir les liens entre la rationnalité faite d'exclusion (si j'ai raison, vous avez tort) et l'intuition qui renvoie aux réalités du monde réel, offrant ainsi à l'homme du XXIème siècle une vision cohérente de sa vie et de celle du monde, c'est-à-dire, des autres, hommes et de la nature... et, en final, de l'avenir.

Parler d'emploi, dans ce contexte-là, c'est donc parler de la place de chacun dans l'Univers et le monde qui commencent par tout ce qui l'entoure.

Telle est dorénavant le nouvelle donne pour chacun et pour tous.

Dans ces conditions, considérer le travail uniquement sous l'angle de la location de sa force de travail n'a plus de sens. Ce qui importe, aujourd'hui c'est la dimension qualitative de ce que chacun apporte.

Quant au défi politique, il porte sur la mise en place de dispositifs aptes à valoriser systématiquement et au mieux, les apports de chacun par rapport non plus à un employeur mais par rapport à lui-même et à la société. Et donc, in fine, à l'environnement et donc à l'Univers.

D'accord, ça donne le vertige, mais un Président de la République, des patrons et des responsables, Ça n'est pas fait pour les chiens (je sais, c'est fait exprès; ndSnoppy), non ?

vendredi 6 juillet 2007

Un autre monde

Je n'oublie absolument pas que je me suis engagé à vous entretenir de l'emploi. Moi aussi, je vais tenir mes engagements.

Mais, pour pouvoir en parler autrement que de façon convenue, il importe de rappeler que pour ça, il faudrait disposer, pour le moins, d'une vision sur l'avenir, et mieux encore, une idée de ce à quoi devrait ressembler LA "terre promise".

Vu l'importance des changements que nous vivons, le rythme auquel ils surviennent, j'ai longtemps pensé que nous nous allions finir par accéder, incessamment sous peu, à un nouveau nouveau monde.

Il y a peu, je me suis rendu compte que je me trompais. En fait, nous entrons dans un monde si différent qu'effectivement, il sera plus juste de parler d'un autre monde.

mercredi 4 juillet 2007

Déclaration Fillon de politique générale

Si j'étais vraiment Nicolas Sarkozy, je serais content de la déclaration de M. Fillon.


Moi, elle me met mal à l'aise.

Malgré les envolées, on en reste à l'actualité. On ne pense à l'avenir qu'en des termes convenus et donc déjà dépassés. Il est temps de se souvenir d'Alexis de Tocqueville et de la fin de son introduction à De la démocratie en Amérique : ... et tandis qu'ils s'occupent du lendemain, j'ai voulu songer à l'avenir.

On en est encore à traiter des problèmes sans se préoccuper de savoir où on va. Tout le monde s'agite dans le poste, mais la France et le monde, eux, sont laissés à eux-mêmes.

Pour le coup, et le programme présidentiel et la déclaration de politique générale de son Premier ministre relèvent fondamentalement de l'incantation.

Voilà ce qui me met mal à l'aise.

Quand, dans ces conditions, le Premier ministre annonce vouloir "réécrire le contrat politique, social et culturel de la France", même si cela part d'un bon sentiment parce qu'il donne l'impression de savoir où il est, cela m'inquiète au plus haut point parce qu'il ne sait toujours pas où va l'avion.

Pas vous ?


mardi 3 juillet 2007

Leçon de choses (1) : Travailler plus ?

"Travailler plus pour gagner plus !" Voilà une petite phrase qui illustre, le biais de confirmation par excellence.


En quoi relève-t-elle du biais de confirmation ? Tout simplement parce qu'il s'agit de toute évidence d'une réflexion sur l'énoncé et non sur le problème.

Le vrai problème et donc la vraie question, qui ne date pourtant pas d'hier, est le suivant :

"Comment travailler mieux pour vivre mieux ?" La question valant tout autant au plan individuel que collectif.

Alors, qu'est-ce qui fait qu'on en vienne à proposer en des termes aussi absurdes (le travail, tel qu'on le concevait au XIXème et même dans la première partie du XXème siècle est, c'est clair, révolu). cette pseudo solution qui n'en est donc pas une ?

Pour deux raisons : le changement et l'ambition.

Le changement parce qu'il remet en cause les repères ET les règles, et crée donc un vide, vide qui fait qu'on s'occupe à le remplir et que pendant ce temps-là, plus personne ne pilote vraiment l'avion qui suit son petit bonhomme de chemin. Comme on l'a vu ici

L'ambition parce que ce genre de propositions qui exploitent les effets évite d'avoir à se poser la question concernant la ou les causes. Et donc de se rappeler où va l'avion. Enfin où il était prévu qu'il aille.

C'est brillant, efficace, mais trompeur. Mais on peut s'y tromper aussi. De bonne foi.

Ce qu'il faudrait proposer, c'est d'en revenir à la destination prévue. En l'occurrence, vivre mieux. Non seulement pour cette génération mais, il est bon de le rappeler aussi, pour celles à venir.

Dans ces conditions, je suis personnellement convaincu que la question portant sur le travail est aujourd'hui dépassée. Les nouvelles technologies, il faudra que j'y revienne pour préciser ce qu'il faut entendre par là, ont changé irrémédiablement la donne.

Ce n'est plus le travail, enfin l'idée que l'on s'en fait, qui est à sauver. Ce qui importe, c'est de préciser justement l'idée que l'on doit se faire du travail pour vivre mieux (et non mieux vivre) aujourd'hui et demain. Ceci afin de savoir quels moyens il conviendra de mettre en œuvre pour valoriser systématiquement les qualités, les savoirs et les savoir-faire de chacun. Et ce, à son profit et à hauteur du profit apporté à tous.

C'est la seule approche qui relève effectivement de la politique. Le reste, tout ce qui concerne des mesures, à commencer par les rénovations, relève de l'arrangement avec les réalités politiques...

Au problème du travail, il n'y a donc pas de réponse spécifique sans au préalable avoir élaborer et proposer une vision de la société de demain où chacun ait sa place. Et ce, à travers des projets pratiques destinés à la rendre accessible à chacun pour que chacun puisse se l'approprier et construire sa place dans une société et un avenir auxquels il a rêvé.

Nous verrons donc la prochaine fois, pourquoi il serait mieux venu de parler d'emploi.

lundi 2 juillet 2007

Que décider (faire) quand tout change ?

Finalement, pour commencer, je me suis posé la question de savoir pourquoi plus ça change et plus, c'est la même chose depuis ces dernières décennies.


En cherchant bien, j'ai trouvé une explication scientifique, le biais psychologique.

Prenons un exemple. Attraper une feuille de papier et un crayon. Tracer les deux signes suivants dans cet ordre : IX. L'exercice consiste à ajouter un seul trait, appliqué en une seule fois et sans que le crayon quitte le papier, pour que cela fasse 6.
- ...?
- Cherchez un peu encore..
- ... ?
- Pas facile, hein ?
-... ? ... ? ... ? :o(
- Bon, en fait, la solution consiste à tracer un S devant l'IX. Cela donne bien 6, mais écrit en lettres (SIX) et non en chiffres (VI ou 6). Evident, non ?

En l'occurrence le biais psychologique a consisté à voir dans la figure "IX", 9 en chiffres romains (ce que l'énoncé induit parce qu'il parle d'obtenir un nombre). A partir de là, tout effort devient inutile. En entrant dans la logique des chiffres et non de leur représentation ce qui inclut les lettres, votre perception des choses vous privait de la solution

Mais ce n'est pas là le seul biais auquel nous ayons à devoir faire face.

Il en existe un autre tout aussi redoutable et insidieux. Celui qui fait que, parfois, plus ça change et plus c'est la même chose. Ce qui correspond bien aux bilans politiques de ces dernières décennies qui fait que globalement, on ne vit pas mieux. Au point, que pour la première fois dans l'histoire du monde moderne, une génération - la notre - en vient à penser que ses enfants vivront moins bien qu'elle !

La cause, cette fois, en est le changement. Ou plutôt, un certain type de changement. Les chercheurs de l'Ecole de Palo Alto vous diront qu'il existe, en fait, deux type de changement. Le premier n'implique pas de changer de logique pour y faire face. Il fait plus froid, par exemple, il suffit donc de mettre un pull en plus. Ce type de changement n'implique pas que nous remettions en question nos habitudes et nos façons de penser.

Il y a donc un autre type de changement qui, lui, implique de changer de niveau de logique pour, justement, "en sortir". Ce qui signifie changer de changer nos modes de pensée. C'est, dans l'exemple du IX, ce qui devrait permettre de sortir de la logique du calcul et donc de la résolution du problème posé pour adopter celle de la représentation des nombres, de l'écriture et pour finir, celle des lettres.

Le pire dans ce genre de situation, c'est que l'on se trouve alors confronter à deux types de problème. Si le premier vous amène à chercher des solutions là où il ne peut pas y en avoir ; le second, vous amène à vouloir traiter des problèmes que l'urgence crée au point d'oublier où vous aller.

Conséquence immédiate, ce n'est plus vous qui piloter les choses. Ce sont les choses qui poursuivent leur voie sur laquelle certaines de vos décisions antérieures les ont poussées initialement. On ne sait plus où on va. Et ce n'est pas anodin.

On retrouve là la situation à l'origine de la plupart des catastrophes aériennes où l'avion s'écrase tout en étant en parfait état de marche... Traiter des problèmes provoqués par un changement de décision de dernière minute amène à laisser l'avion à aller là où le pilote automatique l'entraîne. Ce n'est plus l'équipage qui le pilote. Il est dépassé. Et, à plus de 900 km/heure, il ne peut plus rien maîtriser.

Si une mauvaise valeur a été entrée dans l'ordinateur de bord, ce que favorise souvent une décision de dernière minute, alors il suffit d'un rien pour que la catastrophe devienne quasiment inéluctable.

Dans tous les cas, s'il y a bien un pilote dans l'avion, dans ce genre de situation, malgré la compétence souvent très grande de l'équipage, l'avion n'est plus piloté.

De toute évidence, cela ressemble fort à ce que nous vivons en politique depuis quelques années déjà. Ce ne sont pas tant les réformes qui sont urgentes que de se souvenir où l'on va - tenter de vivre mieux - et de s'en donner alors les moyens. Une réforme, un renouveau ne sont jamais des fins en soi.

De toute évidence, si on veut sortir de la situation dans laquelle on est, il va falloir s'attacher à reprendre la direction des choses et cesser immédiatement de s'occuper d'urgences qui masquent justement ce qu'il faudrait voir et faire.

Comment ? C'est ce que nous allons voir dans notre prochaine causerie...

dimanche 1 juillet 2007

Se poser la bonne question !


Même auto-proclamé, accéder à la position de Président de la République est impressionnant. Ainsi, je n'avais pas prévu cette phase de concentration et pas pensé, un seul instant, qu'elle demanderait autant de temps et qu'elle serait aussi importante.

Pour le coup, je trouve la période entre l'annonce du résultat et l'entrée en fonction bien courte. Parce que c'est une chose de s'imaginer devenir Président et une toute autre de l'être.

La première surprise rencontrée, c'est de constater combien on se trouve engagé par sa profession de foi, et, soudain, combien elle gêne. Pas sur le fond, mais sur la forme.

Hier, il s'agissait de promettre pour séduire. Aujourd'hui, il s'agit de promettre encore mais pour convaincre cette fois afin de créer la ou les dynamiques nécessaires et indispensables pour faire bouger les choses avant même qu'elles parviennent à faire changer ce qui doit l'être. Et là, il ne s'agit pas simplement de demander d'accomplir un geste - déposer un bulletin, le sien, dans l'urne -, mais de s'engager au quotidien pour changer sa propre vie...

Le fait d'arriver au pouvoir ne change pas grand chose quant aux intentions. Cela bouleverse donc tout dans la façon de voir les choses et de les réaliser. Ce que mesure assez mal les électeurs et qui représente un des principaux travers de la démocratie représentative. Ce manque d'information, cette ignorance porte donc en elle, le germe de tous les sentiments de trahison qui ne peuvent donc pas manquer de survenir.

D'une certaine façon, je commence à mieux comprendre la nature du malentendu fantastique créé par le "Je vous ai compris !" adressé à la population "Pieds noirs" d'Algérie, du balcon du gouvernement général à Alger, le 4 juin 1958, par le Général De Gaulle. Le pouvoir, à ce niveau, provoque souvent ces situations où, apparemment, on se trouve obligé à de devoir choisir entre se trahir soi ou de trahir sinon tous les autres, du moins, certains d'entre eux.

Aujourd'hui, on ne peut plus se contenter de ce constat. Les temps ont changé et la "trahison" de certains au profit de l'intérêt général n'est plus possible tant il pèse, dorénavant, sur l'équilibre du tout. La raison d'Etat n'est plus pratiquable.

Voilà ce à quoi mène la prise de conscience aujourd'hui d'être Président.

Voilà donc l'énoncé du problème. C'est donc le moment où jamais de se souvenir que gérer ce changement comporte un piège important. Tellement important qu'il y a toutes les chances qu'il serve de fil conducteur à tous les billets à venir de ce blog. Car que cela concerne la société, les âges générationnels, la famille le travail, l'emploi, l'éducation, l'école, l'université, la formation, la sécurité, les libertés, le commerce, les échanges et les rapports internationaux, l'immigration et la libre circulation des personnes et des produits, les transports et la communication, les nouvelles technologies, leur développement et leur déploiement, la science et la recherche (plus la même chose), les techniques, la finance et les logiques fiscales, l'éthique, l'industrie, l'écologie,... et chacun de nous (ce n'est pas parce que l'on est Président que l'on n'en est pas moins un être vivant), ce piège est omniprésent. Y compris, donc, dans votre vie quotidienne à vous.

C'est ce que nous verrons dans ma prochaine causerie au coin de l'Internet.