jeudi 13 septembre 2007

Penser avant d'agir

La matinée a commencé sur les chapeaux de roue...

Tout d'abord cette émission de France Culture, "La Fabrique de l'histoire" diffusée ce matin et dont le thème était "Libertés publiques" (cliquez ici).

Ça dure une heure, mais si vous n'avez pas le temps, vous pouvez écouter seulement l'intervention d'une professeur Claude Gauvard qui commence 5'19.

Le constat, il n'y a pas d'instauration de liberté sans limitation d'autres libertés.

C'est dire que le discours sur l'intelligence collective se révèle extrêmement réducteur dès lors que l'on sort du champs restreint d'une certaine vision de la connaissance et de ses utilisations.

Ce qui est en jeu avec le niveau atteint par le déploiement - la prolifération ? - des TIC dépasse largement ce cadre étroit. Et donc, en rester à une intelligence auto-productrice, dès lors qu'elle est organisatrice, ce qui est son sort naturel, débouche sur tous les excès tant, en final, l'intelligence est fonction des libertés de pensée et d'expression.

C'est dire qu' il n'est pas possible de dissocier sérieusement l'intelligence et les savoirs du reste de la vie sociale, culturelle et politique. Sauf, à refuser de voir et de révéler, ce qui permettrait de poser sinon les règles du moins les principes du jeu en cours, moins le pourquoi que le pour quoi (en deux mots) du défi technique, des intérêts en jeu (la finalité pour chacun et pour tous) et donc la question de savoir à qui profite, en fait, la démarche proposée et quels en seront les victimes puisque que dès lors, la démarche ne peut être qu'à somme nulle.

Le silence, l'opacité dans laquelle baigne le déploiement des NTIC et donc l'avenir de chacun au plan sociétal, trouvent essentiellement leur source dans l'immédiateté technique très bien résumée par la loi de Moore qui pose que la capacité des composants double tous les 18 mois ! Que la société suive ou non n'étant pas la question...

Et pourtant. Il est clair que le déploiement des techniques impacte l'humain, lui dont les rythmes de renouvellement des modes de pensée relèvent plus de la vingtaine d'années que de la douzaine et demie de mois. Et donc tous les propos sur l'intelligence et la société de l'information reposent sur une vision technique, ni réelle, ni humaine des sociétés (l'humain étant une dimension qui n'exclut pas la technique mais qui permet, bien au contraire, de traiter de son intégration à la société et donc de ses usages réels, ceux qui établissent son utilité effective et donc pérenne. Le contraire du gadget.)

C'est donc dire que les propos tenus par les chantres du déploiement fondé sur des arguments relevant de la logique technique sont fondamentalement manipulateurs. C'est le cas, même s'il n'en est pas conscient, de ce billet de Pierre Bellanger (Le réseau social : avenir des télécoms). Cela étant, comme il est le patron de Skyrock, il est facile de comprendre pourquoi.

Le plus troublant, c'est la forme. En l'occurrence, un billet dans un blog, présenté donc comme un éditorial de presse. En fait, comme pour le blog M.-E. Leclerc, il s'agit de faire l'apologie d'une pratique, reflet d'un intérêt particulier. Le fait que ces deux personnes soient "cohérentes" (elles croient et pensent ce qu'elles font et ce qu'elles disent), ne doit pas masquer le fait que chacune d'elles ne fait que professer sa Vérité. En fait, une vérité dont il faut évaluer l'impact, c'est-à-dire les effets tant au plan vertueux que pervers.

C'est là une dimension éthique qui ne me semble pas prise en compte quand on parle d'une intelligence collective fondée sur les réseaux techniques où la machine est érigée en acteur alors qu'elle ne peut-être qu'un moyen. Sauf à instrumentaliser l'homme, bien sûr. Ce qui, il est vrai, permet d'éviter de se poser à propos des développements techniques, la question de savoir au service de qui ? et pour quoi faire ? puisque la machine est censée apporter la réponse d'elle-même dès lors qu'elle "fonctionne". Or, justement, les choix d'avenir, pour chacun et pour tous, dépendent des réponses apportées à ces questions. A force de les éluder, il est "normal" que notre vie, notre quotidiens, notre avenir s'enlisent dans la précarité, reflet du rythme technique.

Mais il ne faut pas désespérer. Même si, compte tenu des dynamiques actuelles, il faut moins compter sur l'intelligence que sur les effets insupportables de l'absurdité pour sortir de la situation dans laquelle on est.

Car plus cela va aller et plus on va buter sur des pseudo-solutions générées par la techno-pensée consommatrice - supprimer les régimes spéciaux de retraite, par exemple - et plus on va se trouver confronter aux vrais questions. En l'occurrence, 1) qu'est-ce que la pénibilité au travail 2) Quelles sont les pénibilités qui justifient un départ à la retraite plus précoce, et celle qui relève de l'amélioration ou de l'aménagement ponctuel des conditions de travail ? 3) et donc quelles sont les pénibilités qui relèvent de mauvaises pratiques de gestion des hommes et, si on va jusqu'au bout du propos 4) comment sanctionner ces pratiques tant au plan d'une organisation (cela concerne pas seulement les entreprises mais toutes les collectivités de travail), qu'au plan individuel (les abus d'un chef) puisqu'elles coûtent si cher à la collectivité ?

C'est le sujet qui a été évoqué, toujours sur France Culture, ce matin, 13 septembre 2007, lors du débat, cette fois, organisé lors de l'émission "Les matins de France Culture" et dont le thème portait sur la réforme des régimes spéciaux de retraite (cliquez ici). Emission à écouter à partir de 1:33:00 pour les questions induites et donc la nature même des débats et puis, sur le plan de l'approche de ces questions, à partir de 1:45:00 l'intervention de Bernard Brunhes (voir le site de France Culture pour les précisions le concernant) qui, parlant de la nécessité d'une méthodologie, soulève la question centrale de l'explicitation des buts et finalités des démarches nécessaires à une bonne détermination, déjà, des moyens de mise en oeuvre. A commencer par le temps nécessaire dès lors qu'il s'agit moins de réformes en soi que de prendre en compte et d'accompagner des évolutions lourdes de la société.

A suivre l'actualité présidentiel, on en est loin. Trop loin.


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